loader image

A la Chapelle Vendômoise, le boulanger du village se bat pour que son salarié, Alexis, 22 ans, amputé d’une jambe après un accident de moto, retrouve son emploi à la boulangerie. Faute d’aides publiques, il réalise les travaux pour rendre le fournil accessible avec ses copains artisans. 

David Herbault est un homme déterminé. Artisan boulanger-patissier à la Chapelle Vendômoise, il a été le maître d’apprentissage d’Alexis Rousseau et il est son patron depuis deux ans. ” C’est mon bras-droit. Il est compétent, agréable et motivé. Il n’est pas question que je me passe de lui à la boulangerie”. 

Alexis Rousseau, amputé de la jambe gauche, ne pourra pas rester toute la journée debout sur sa prothèse pour travailler, le fauteuil s'imposera.
Alexis Rousseau, amputé de la jambe gauche, ne pourra pas rester toute la journée debout sur sa prothèse pour travailler, le fauteuil s’imposera. • © Marine Rondonnier- France Télévisions

Pas question d’abandonner son métier de boulanger

Alexis Rousseau a été amputé de la jambe après un grave accident de moto en mars dernier. Un choc frontal sur la levée de la Loire à Blois. Selon les médecins, il possible qu’il ne puisse plus remarcher.

Mais Alexis s’accroche avec une idée en tête : reprendre le travail. “ Je ne me voyais pas rester à la maison sans rien faire. Il fallait que je revienne à la boulangerie. 

Cet objectif le motive à progresser. Il se déplace debout grâce à une prothèse, il reconduit et son moral est plutôt bon. “ Quand on voit un patron qui se bat comme ça pour que je retrouve mon emploi, c’est motivant. Il n’y en a pas beaucoup. C’est sûr.”

Dans les métiers de l’artisanat, les personnes en situation de handicap comme Alexis ont des difficultés à retrouver leur place. “ C’est simple, dans l’artisanat, on est vite déclaré inapte. Pourtant avec une forte motivation on peut y arriver,” explique David Herbault qui ne compte pas abandonner son salarié. 

Des artisans locaux donnent un coup de main pour les travaux
Des artisans locaux donnent un coup de main pour les travaux • © Marine Rondonnier-France Télévisons

Première étape : rendre le fournil accessible

Alexis marche avec une prothèse mais il ne pourra pas rester debout toute la journée alors son patron a eu l’idée de transformer le garage de la boulangerie en fournil accessible. ” Il y avait un décalage de 25 cm entre la boulangerie et le garage. On a dû couler 19 tonnes de béton pour tout remettre à niveau”, raconte le boulanger. “Nous” c’est le boulanger, ses amis artisans et pompiers volontaires. “ C’est impressionnant comment tout le monde s’est investi dans cette histoire.”

Carreleur, métallier, charpentier, électricien… de nombreux artisans locaux viennent donner un coup de main pour faire avancer les travaux. ” Soit ils viennent bénévolement, soit ils ne me font payer que les matérieux. Sans leur générosité, on n’aurait jamais pu financer cette transformation”, remercie le boulanger, ému par l’élan de solidarité qui s’est constitué autour de lui et d’Alexis. 

Seconde étape : l’investissement dans du matériel adapté

Le boulanger a dû acheter un four doté d’un élévateur intégré pour qu’Alexis puisse l’utiliser en fauteuil. Investissement : 50 000 euros. 

Autre projet d’achat à l’essai pour le moment : le Panéotrad : une machinequi divise et façonne le pain avant la cuisson. ” Cette machine nous permet de supprimer 5 étapes de manipulation de baguettes. On est sur des bacs avec 10 baguettes au lieu de 20. C’est moins lourd et il y a moins de manipulation qu’avant. L’idée est de limiter au maximum les tâches qui seraient pénibles pour Alexis,” explique le boulanger. Ce Panéotrad coûte plus de 37 000 euros. Pour l’instant, le fournisseur lui prête le temps d’avoir réuni les fonds. 

Autour d'Alexis et David, des artisans locaux, des pompiers volontaires et les membres de la famille s'organisent pour faire avancer les travaux et trouver des fonds.
Autour d’Alexis et David, des artisans locaux, des pompiers volontaires et les membres de la famille s’organisent pour faire avancer les travaux et trouver des fonds. • © Marine Rondonnier-France Télévisions

185 000 euros d’investissement et aucune aide publique pour le moment

Car c’est là que le bât blesse. Entre les travaux d’aménagement et les nouvelles machines, le boulanger va devoir débourser 185 000 euros. Il a pu en emprunter la moitié à la banque et attend de savoir s’il aura des aides publiques pour emprunter le reste. 
 On a fait des demandes mais c’est très long et on ne peut pas attendre que les dossiers soient traités pour commencer les travaux. Il faut que tout soit prêt pour le retour d’Alexis. “

La colère d’un père

Alors en attendant les parents d’Alexis s’occupent de récolter des fonds. Une cagnotte Leetchi a permis de réunir 9800 euros pour le moment et des concerts et spectacles sont prévus prochainement. L’objectif est de 162 000 euros…

C’est inadmissible que ce soit aux parents et au patron de mon fils de se battre pour financer son retour à l’emploi. 

Le père d’Alexis, Jacky Rousseau, se démène depuis l’accident de son fils pour qu’il puisse retrouver son autonomie et son travail : ” Quand j’entends le président Macron dire que le gouvernement fait tout pour que les personnes en situation de handicap retrouvent un emploi, j’attends de voir. Pour le moment tout ce que nous proposent la MDPH ou Cap Emploi c’est de verser 900 euros d’allocation handicap à Alexis pour qu’il reste à la maison. Alors qu’il veut travailler et que c’est essentiel pour lui. Il n’a que 22 ans et il adore son travail. Pourquoi ne pas verser cette allocation à son patron pour l’aider à financer les travaux ? Le problème c’est qu’Alexis ne rentre dans aucune case et le projet de son patron non plus. Il faut que les choses avancent dans ce pays pour l’emploi des personnes en situation de handicap. Mais concrétement, pas seulement avec des promesses. ” 

Reportage de Marine Rondonnier, Sanaa Hasnaoui et Delphine Vidal-Morin :

source : https://france3-regions.francetvinfo.fr/centre-val-de-loire/loir-cher/solidarite-alexis-il-deja-perdu-jambe-il-ne-va-pas-perdre-son-metier-qu-il-adore-1787065.html